L’interdiction du cumul des fonctions : un principe essentiel pour la transparence, l’éthique et la lutte contre le conflit d’intérêt

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Dans toute démocratie moderne, la gestion publique et privée repose sur des principes fondamentaux visant à garantir la transparence, la bonne gouvernance et l’éthique. Parmi ces principes, celui de l’interdiction du cumul des fonctions occupe une place centrale pour prévenir les conflits d’intérêt, assurer l’impartialité des responsables et renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions. Ce principe établit que certains postes ou fonctions, lorsqu’ils sont occupés par une même personne, ne peuvent être exercés simultanément, sous peine de créer des situations de conflits d’intérêt ou de favoritisme.

 

Dans cet article, nous allons préciser ce qu’est le cumul des fonctions, en donner des exemples concrets, expliquer ce qu’est un conflit d’intérêt, puis analyser en profondeur pourquoi cette interdiction est cruciale pour le bon fonctionnement des institutions publiques, et enfin conclure sur l’importance pour les responsables publics d’être des modèles de probité.

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Qu’est-ce que le cumul de fonctions ?

Le cumul de fonctions consiste pour une même personne à occuper simultanément deux ou plusieurs postes ou responsabilités, qui peuvent appartenir au secteur public ou privé. Cet empilement peut concerner des fonctions dans des administrations, des entreprises, des institutions publiques, ou des sociétés commerciales. Par exemple, un ministre qui détient aussi la propriété d’une société commerciale, ou un magistrat qui exerce une activité privée, constitue un cas de cumul de fonctions.

Ce phénomène peut apparaître à première vue comme une façon d’optimiser l’engagement professionnel ou de détenir le contrôle sur plusieurs leviers de pouvoir, mais il soulève rapidement des questions graves concernant l’éthique et la transparence. C’est pourquoi de nombreux textes législatifs, réglementaires et déontologiques en vigueur dans plusieurs pays, y compris au Gabon, encadrent strictement le cumul de fonctions.

Exemples concrets de cumul de fonctions

 

• Ministre et dirigeant d’une société commerciale : un ministre dans un secteur économique précis qui, en même temps, occupe des responsabilités dans une entreprise privée dans le même secteur, peut influencer la réglementation ou bénéficier de décisions favorables, au détriment de l’intérêt général.

• Parlementaire et président d’une société : une personne élue au Parlement qui occupe aussi la fonction de PCA ou directeur général dans une société commerciale, ce qui peut lui permettre d’utiliser son influence politique pour défendre ses affaires personnelles.

• Magistrat et entrepreneur : un juge ou un procureur qui possède ou gère une entreprise ou une société peut être tenté de favoriser ses propres intérêts ou ceux de ses proches dans ses décisions.

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Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêt ?

Pour comprendre l’importance de l’interdiction de cumul de fonctions, il faut connaître ce qu’est un conflit d’intérêt.

Un conflit d’intérêt désigne une situation où la prise de décision ou l’action d’une personne est susceptible d’être influencée par ses intérêts personnels, financiers ou familiaux, plutôt que par l’intérêt général ou la mission qui lui a été confiée. En d’autres termes, ce sont des situations où le jugement ou la performance pourrait être biaisé en faveur d’intérêts privés.

Exemple de conflit d’intérêt

Supposons qu’un ministre chargé des infrastructures ait aussi une participation financière dans une entreprise de construction. Lorsqu’il doit attribuer des contrats publics, il pourrait être tenté de favoriser cette entreprise, indépendamment de sa qualité ou de leur coût, ce qui constitue un conflit d’intérêt. Cela met en péril la transparence, la qualité du travail et la crédibilité des institutions.

La prévention du conflit d’intérêt

L’interdiction du cumul des fonctions vise précisément à prévenir ces situations en évitant qu’une même personne ne puisse à la fois exercer une responsabilité publique et avoir des intérêts privés susceptibles d’influencer ses décisions ou son comportement.

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Pourquoi cette interdiction est-elle indispensable ?

1. Garantir la neutralité et l’impartialité

Les responsables publics, comme les parlementaires ou les magistrats, ont la charge de prendre des décisions dans l’intérêt collectif. Le cumul de fonctions peut compromettre cette impartialité, car la personne pourrait favoriser ses propres intérêts ou ceux de sa famille au détriment de l’intérêt général. En interdisant le cumul, on favorise un climat de confiance et de transparence.

2. Prévenir la corruption et le trafic d’influence

L’un des enjeux fondamentaux de l’interdiction du cumul de fonctions est de lutter efficacement contre la corruption et le trafic d’influence. Lorsqu’une personne détient simultanément plusieurs responsabilités—par exemple, une fonction publique et une position dans une société privée—elle se trouve en situation de potentiel conflit d’intérêts. Cette situation peut inciter à des abus de pouvoir pour avantage privé ou pour favoriser des intérêts particuliers qui lui sont liés.

La vulnérabilité à la corruption

Une personne occupant plusieurs responsabilités peut craindre d’être tentée de faire usage de son pouvoir pour faciliter certaines opérations commerciales, accorder des marchés publics ou obtenir des contrats en échange d’avantages personnels. Par exemple, un ministre qui possède des parts dans une entreprise de construction pourrait favoriser cette société lors de l’attribution de marchés publics. La tentation de corrompre ou de se faire influencer devient alors grande, car ses décisions peuvent bénéficier directement à ses intérêts financiers.

La menace du trafic d’influence

De même, celui qui exerce des fonctions dans le secteur public ou dans la gestion de l’État peut user de ses liens ou de son influence pour favoriser ses affaires personnelles ou celles de ses proches, c’est-à-dire faire du trafic d’influence. Cela consiste à utiliser sa position pour faire valoir ses intérêts privés ou ceux de tiers, souvent contre la loi, dans le but d’obtenir des bénéfices illicites ou de contourner des règles.

La prévention par l’interdiction du cumul

En établissant une règle claire interdisant ce cumul, la législation vise à réduire ces risques de pratiques déviantes. Cela empêche notamment qu’une même personne puisse contrôler à la fois le pouvoir décisionnel et la gestion d’une entité privée ou commerciale susceptible de bénéficier de ses décisions. La séparation des responsabilités constitue une barrière essentielle pour garantir la transparence, l’intégrité et la moralité dans la gestion publique.

Impact sur la confiance citoyenne

Le respect strict de cette interdiction favorise aussi la restauration de la confiance de la population dans ses institutions. Les citoyens sont plus enclins à faire confiance à un gouvernement qui garantit que ses membres ne peuvent pas profiter de leur position pour tirer avantage personnel ou favoriser des intérêts clandestins.

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Conclusion : L’interdiction du cumul des fonctions, associée à la prévention des conflits d’intérêts, est une pierre angulaire de la gouvernance éthique et transparente. Ces principes obligent les responsables publics et les acteurs du secteur privé à faire preuve d’intégrité, à respecter la loi et à se comporter en modèles pour la société.

Il est essentiel que les responsables, comme les parlementaires et les magistrats, soient des exemples de probité, sans aucune ombre ou « casserole » qui pourrait décrédibiliser leur engagement. La responsabilité de ces figures d’élite est grande : leur exemplarité doit incarner la modernité, la transparence et le respect strict des principes de bonne gouvernance.

En somme, respecter la règle de non-cumul des fonctions, c’est préserver la démocratie, lutter contre la corruption et bâtir un avenir digne et transparent pour tous.

 

Amos MINTSA

Coordinateur Général du Réseau AsCom